Histoire
1972.Tous les sorciers en toge présents autour de moi me donnent le tournis. Assis au beau milieu de l’hémicycle du Magenmagot, les poignets attachés à une chaise en bois inconfortable, je fais un effort pour me concentrer. Cela n’a jamais été mon fort mais aujourd’hui, je sais que c’est un jour important.
« - Jay Pidcock, vous êtes présent aujourd’hui pour le meurtre de Jane Wilson, avec la circonstance aggravante qu’il s’agit d’une moldue. Vous encourez 20 ans de prison à Azkaban »Le chef d’accusation me paraît injuste, je me sens pousser des ailes et proteste.
« - Moldue ou pas, je tiens à dire que je l’aurais tuée quand même »Evidemment que je l’aurais tuée, puisque c’est Brooke qui m’a demandé de le faire. Je ferais n’importe quoi pour elle !
J’entends un brouhaha. Des rires. Un plus sonore que les autres me fait lever les yeux vers une rousse installée à la droite du président du département de la justice magique.
Mon avocat commis d’office se lève et brave la foule en faisant de grands gestes pour tenter de capter l’attention des sorciers-juges. Je l’ai vu deux fois. Il me paraît toujours aussi jeune pour assumer cette fonction, mais c’est pas comme si j’avais de quoi me payer mieux.
« - Monsieur Pidcock est issu d’un milieu extrêmement pauvre. Ses parents ont débarqué des Antilles il y a près de 20 ans. Monsieur Pidcock a sacrifié sa scolarité. Il a travaillé dès l’âge de 13 ans pour subvenir aux besoins de ses quatre frères et soeurs. C’est vrai qu’il n’a pas toujours été dans la légalité, mais sa famille dépend entièrement de lui»Je lâche un souffle amusé. Ce qui est légal paie mal. Tout le monde le sait. C’est comme ça que les puissants s’assurent de rester puissants. Ils condamnent les pauvres, travailleurs, pendant que, eux, s’enrichissent illégalement sans bouger leur cul de leur chaise.
De nouveaux rires se font entendre.
Mes précédents délits sont exposés au grand jour. La liste est longue comme ma…
Mes pensées se figent lorsque je vois Brooke au beau milieu du tribunal. Elle m’a promis que si je la tuais pour elle, elle m’attendrait et serait là quand je sortirais. J’esquisse un grand sourire dans sa direction. Elle ne me le rend pas. Elle doit craindre que quelqu’un découvre notre relation…
Soudain, ma sanction tombe : 15 ans. Quinze ans, ce n’est rien. Elle m’attendra. Pas vrai?
***1979.Assis sur le sol humide de ma cellule, j’ai les mains jointes et les yeux fermés. Je murmure des paroles incompréhensibles aux yeux des autres : de vieilles incantations antillaises.
Les bruits de talons que j’entends dans le couloir me font immédiatement ouvrir les yeux. Mes co-détenus ne portent pas ce genre de chaussures, et les détraqueurs glissent sur le sol. Les claquements finissent par s’arrêter devant ma cellule. La rousse du tribunal !
« - J’ai une bonne nouvelle pour toi ! Tu vas pouvoir sortir plus tôt que prévu »Un sourire carnassier orne son visage. Je sais que je vais lui être redevable d’une façon ou d’une autre…
***1979.Brooke n’est jamais venue me voir en prison. Seule la photo que j’ai emportée avec moi m’a permis de ne pas oublier son visage. Elle m’avait prévenu. Elle m’avait dit qu’elle ne viendrait pas me voir pour ne pas attirer les soupçons sur elle. J’ai toujours trouvé ça logique. Brooke est une femme intelligente. Plus que moi ! Elle a fait de grandes études, elle ! Mais, maintenant que je suis sorti, nous n’avons plus aucune raison de ne pas nous fréquenter.
Je frappe plusieurs coups à la porte de sa maison. Bouquet de fleurs à la main, je m’apprête à retrouver la femme pour qui je ferais tout. Mais la personne qui m’ouvre n’est pas celle que j’attendais. C’est une gamine blonde, avec des couettes. Elle est haute comme trois pommes et a l’air d’avoir plus ou moins quatre ans. Derrière elle, j’entends des hurlements. J’entends des verres se briser également.
« - Brooke est là? »« - Oh, tu connais maman? »Les cris se font de plus en plus forts à l’intérieur. J’entends qu’ils se disputent, vraisemblablement au sujet de la gamine qui me fait face. Ils la traitent de tous les noms et elle ne semble pas le remarquer. Un flash de mon enfance me frappe soudain. J’oublie que je suis là pour Brooke.
« - Comment tu t’appelles? »« - Penelope! »***1980.L’air est glacial. Les gars ont fait un feu au beau milieu de l’entrepôt mais il ne nous aide pas à nous réchauffer. Cela dit, on est tous d’accord là-dessus : c’est mieux qu’Azkaban.
« - Où est-ce que tu as appris tout ça, le python? »Je hausse les épaules tout en regardant le python qui orne mon avant-bras.
Je n’ai passé qu’un an à Poudlard, mais la vie m’a appris bien plus d’enseignements que cette foutue école n’en apprendra jamais. Sauf que les connaissances que j’ai acquises ne sont reconnues par personne. Tout ça parce que je n’ai pas de papier signé de la main d’un vieux sorcier qui explique que, oui, j’ai réussi sept années d’études. Et que j’ai un autre papier sur lequel il est clairement indiqué que j’ai passé sept ans en prison.
« - Les runes, c’est moins compliqué à lire que l’anglais »Je parle mal, j’écris mal, je lis mal, mais les runes m’ont toujours paru très claires. Je ne sais pas pourquoi ces dessins m’ont toujours paru moins complexes que les lettres de l’alphabet. Le soir, quand je rentrais du travail, j’aimais bien me détendre en les regardant. Faut croire que j’en ai retenu quelque chose…
D’un coup de baguette, je mets en place puis lève une protection runique d’un objet. Tous mes codétenus semblent ébahis. En plus, ça nous servira pour notre prochain coup !
Soudain, un rire se fait entendre. SON rire !
Je me retourne, affolé, et court en direction de Penelope pour ne pas qu’elle s’approche trop des gars. Je n’aime pas qu’elle les côtoie mais, bien souvent, je n’ai pas le choix.
« - J’ai eu fini l’école plus tôt! », m’explique-t-elle.
Dans l’interstice de la porte, je vois sa professeure principale qui me l’a amenée jusqu’ici. Je la remercie d’un signe de tête et sort un bonbon de ma poche que je file à Penelope.
« - Faut que tu sois douée à l’école, Penny. Ça sert pas à grand chose, mais ça te permettra de pas devenir comme moi ! »A quelques mètres, j’entends les gars chuchoter.
« - Il est quand même un peu con-con. Comment elle a pu lui faire croire que c’était sa fille alors qu’elle est née pendant qu’il était en prison? »Je hausse les épaules.
Tout le monde m’a toujours pris pour un débile, je laisse couler. Je sais pertinemment que Penelope n’est pas ma fille mais je ne pouvais pas la laisser avec Brooke et son nouveau copain. J’ai donc signé son acte de naissance sans hésiter pendant que Brooke signait l’acte d’abandon. Je sais que la vie que je lui offre n’est pas la meilleure, mais elle n’est pas pire que celle qu’elle avait là-bas.
Attendri par ses grands yeux, je la prends dans mes bras et la serre fort contre moi, à la manière d’un…
« - Python ! Python ! Python »Les gars rigolent, et je me mets à rigoler aussi. Sans elle, je n’aurais jamais trouvé la force d’évoluer dans un monde qui n’est pas fait pour les gens comme moi.
- Chronologie:
1949 : Naissance. Aîné d'une famille de cinq. Son père était un homme violent qui n'hésitait pas à les battre.
1962 : Quitte Poudlard pour aller travailler et nourrir sa famille
1972-1979 : Séjour à Azkaban pour avoir tué une moldue, Jane Wilson
1974 : Sa mère meurt alors qu'il est en prison
1975 : Naissance de Penelope
1979-1981 : Petits boulots (illégaux) pour le compte de Lorna Sinclair
1980 : Adopte officiellement Penelope
1981 : Sa famille retourne vivre dans les Antilles
1982 : Engagé par Securisort comme expert en protection des bâtiments. Continue ses "petits boulots" avec ses "amis" pour arrondir ses fins de mois et envoyer de l'argent aux Antilles.