Histoire
1966.« - Lana, ma chérie, tu viens? J’ai un défi pour toi »La petite blonde bondit de sa chaise pour rejoindre son père autour de la table basse du salon. Elle s’assit par terre, en tailleur, en attendant qu’il lui explique les règles du nouveau jeu. Une fois par semaine, son père lui proposait des énigmes à résoudre. La petite fille avait à coeur de l’impressionner mais elle avait encore parfois du mal à comprendre tous les problèmes de logique auxquels il la confrontait. Cette fois, elle était face à un vase en verre retourné au-dessus d’une balle.
« - Le jeu est simple. Il faut que tu attrapes la balle… sans toucher le vase. Tu as dix minutes »La petite fille regarda attentivement le récipient en verre, puis se leva et en fit le tour. Elle n’avait malheureusement pas encore assez le contrôle de ses pouvoirs pour user la magie pour faire léviter l’objet.
Après neuf minutes de réflexion, elle eut une illumination.
« - NANNY ! », cria-t-elle, prenant une voix volontairement apeurée.
La nounou ne tarda pas à débarquer dans la pièce.
« - Nanny, tu veux bien remettre le vase sur l’étagère? Je… je… C’était à maman. Je ne sais pas qui l’a mis là. Je… »Les yeux de la gamine se brouillèrent. Sa voix se brisa.
Le regard de la nounou sauta de la gamine désespérée, à son père, en passant par le vase. Elle ne comprenait pas le soudain désarroi de la petite fille ni pourquoi son père ne faisait rien mais elle n’hésita pas une seconde à prendre le récipient et à le poser sur l’armoire où il s’était toujours trouvé.
Aussitôt, la gamine sembla retrouver sa joie de vivre. Elle attrapa la balle et la tendit à son père.
« - Merci Nanny ! Tu peux garder le vase si tu veux. Je ne sais même pas depuis quand on a cette horreur »Il n’était en tout cas pas à sa défunte mère.
***
1972.« - Waaaaaw Ana, ta robe est trop belle ! »Les deux gamines avaient grandi côte à côte, mais l'une était bien plus riche que l'autre et, lors d'occasions aussi particulières que des bals, cela se voyait. Lana n'avait toutefois jamais jalousé sa "soeur". En réalité, c'était même tout le contraire. Elle ne le disait jamais à voix haute mais elle la plaignait beaucoup.
Lana n'avait plus de mère, mais celle-ci l'avait profondément aimée. Ana, elle, avait toujours une mère qui la détestait de tout son être.
« - J'ai fait mon possible, ça rend super bien! », dit-elle en mettant un point final au chignon qu'elle lui avait concocté pour le bal de Noël de Koldo.
Elles allaient faire des ravages.
***
1973.« - Papa, s'il te plait. Laisse-moi au moins la prévenir qu'on s'en va... »Mais son père se montrait intraitable.
« - Il en est hors de question. On ne peut pas laisser la moindre trace derrière nous. Les Aurors risquent de me retrouver et... »Lana serait seule. Sans père et sans mère.
Des larmes coulèrent le long des joues de l'adolescente. Cela lui brisait le coeur de ne pas pouvoir dire au revoir à Ana, mais elle ne voulait pas prendre le risque de perdre son père. Même si pour cela, cela voulait dire perdre sa soeur.
***
1973.« - Oh honey, je t’en prie… Tu ne vas quand même pas comparer les vols que fait ton père avec les vols que fait le mien. Ils n’ont absolument rien à voir »La blonde se mit à rire de bon coeur, baissant au passage ses lunettes de soleil pour mieux regarder Louis depuis son transat.
Pour elle, il n’y avait aucune comparaison. Son père à elle était un orfèvre, un architecte du cambriolage, là où celui de Louis avait la finesse d’un bulldozer.
Elle cessa de rire lorsqu’elle vit que le Français ne riait pas. Peut-être avait-elle encore parlé avant de réfléchir…
« - Ils ont chacun leur style. C’est ce que je veux dire »Elle s’alluma une clope pour changer de sujet.
La flamme du briquet émettait presque autant de chaleur que le soleil dans le ciel. Elle aspira la fumée et la renvoya dans l’air.
« - C’est ce soir que tu vas voir ton ami malade? Celui à qui tu écris tout le temps? »Elle continua à parler sans le regarder.
« - Réserve-moi ta soirée de demain. J’aimerais te montrer quelque chose que je n’ai jamais montré à personne »Louis était la seule personne à qui elle faisait entièrement confiance. La preuve, il était le seul à qui elle avait dit que son vrai prénom n’était pas Clémence, mais Lana.
Le portail du jardin grinça, laissant apparaître la silhouette de son voisin, 5 ans plus âgé qu’elle.
« - Je te le montre uniquement si tu me promets de continuer à m’écrire régulièrement, quoi qu’il se passe. Tu me le promets? », chuchota-t-elle, sourire aux lèvres, l’oeil pétillant.
« - Les histoires de couple sont éphémères. A mes yeux, les amitiés ont bien plus de valeur. N’en parle pas à Simon, je ne veux pas qu’il vienne », dit-elle en concluant sa phrase par un clin d’oeil.
Elle changea totalement le ton de sa voix, arbora un grand sourire et ouvrit les bras en direction de Simon, qui était maintenant à deux pas d’elle.
« - Tu vas bien, chéri? »Elle laissa son copain l’embrasser sur les lèvres avant de se lever de son transat et de plonger dans la piscine en rigolant.
***
Mai 1975.Salut Gab,
Navrée d’être partie comme ça, sans donner de nouvelles. C’était trop dangereux de te prévenir. Papa s’est mis à flipper. On a dû faire nos valises en urgence.
Papa me dit qu’il vaut mieux que je fasse profil bas pendant quelques mois. Mais, dès que je pourrai, je viendrai te rendre visite.
En attendant, on peut continuer à s’écrire avec notre code secret. Je suis en Grèce, maintenant. J’ai pas encore trouvé de prénom pour ma nouvelle identité. Tu m’aides à en choisir un?***
1980.Hey Gab,
On dirait bien que je deviens connue Outre-Atlantique !
Passe le bonjour à Louis !***
Novembre 1981.« - TU ES INCONSCIENTE ! »C’était la première fois que son père hurlait de cette façon sur elle. Mais elle était bien trop énervée pour s’en rendre compte. Encore une fois, ils avaient eu des réflexes différents pour se sortir du cambriolage.
« - T’en fais des tonnes pour rien ! C’est juste un petit stupéfix », dit-elle en ôtant sa cagoule et en la jetant sur la table.
« - Tu ne dois jamais viser un Auror avec ta baguette. On ne les confronte pas, on bat en retraite ! Plus jamais, je ne t'emmènerai dans un cambriolage. TU VEUX FINIR COMME TA MERE? »Sa poigne s’était renforcée sur le bras de sa fille. Il la tenait maintenant si fermement qu’il était en train de marquer sa chair. Mais ce sont ses mots qui lui firent le plus mal. L’orage avait fait place au plus grand des silences.
Jamais ils ne parlaient de ça. Jamais ils ne parlaient du fait que sa mère était morte au cours d’un cambriolage avec son père. Jamais ils ne parlaient du fait qu’un Auror l’avait tuée en légitime défense, parce qu’elle avait voulu lui lancer un sort impardonnable pour pouvoir prendre la fuite.
« - Je ne suis plus une petite fille, papa. Et ce n’est pas parce que j’ai un avis différent du tien que j’ai forcément tort ! Mais tu as raison sur un point, je n’ai plus envie qu’on fasse des cambriolages ensemble. Il est temps que je fasse mes propres expériences. J’ai envie de m’installer en France pour quelques temps, de prendre des cours de théâtre et d’essayer de percer là-dedans »A moins, bien sûr, qu’elle ait plutôt dans l’idée de s’installer à Londres et de prouver à son père qu’elle était une meilleure cambrioleuse que lui en réussissant ce qu’il n’avait jamais réussi : cambrioler le département des mystères.
***
18 février 1982.« - Eh bien, dans ce cas, je vais attendre ici qu’il soit disponible. On m’a dit le plus grand bien de Monsieur Latour. Je veux que ce soit lui qui m’accompagne à cet événement »Même s’il arborait les traits d’une rousse de 40 ans, Lana n’avait rien perdu de la détermination qui la caractérisait. Quand elle voulait quelque chose, elle l’obtenait. Sa famille ne roulait pas démesurément sur l’or - principalement parce que son père volait des choses pour l’orgueil plutôt que pour la fortune - mais elle avait de quoi se payer les services d’un garde du corps sans problème.
Lorsqu’elle paya Esteban, elle accrocha le bras de Gab et l’accompagna dans la rue. Elle se demandait s’il l’avait reconnue malgré le polynectar. Elle n’en avait pas besoin avec lui mais elle avait pris goût à tous ces changements d’identité et en abusait parfois, juste pour la blague. Heureusement, dans quelques minutes, il cesserait de faire effet. Mais elle voulait qu’il la reconnaisse avant.
« - Je t’ai pas trop manqué? »Elle attendit quelques secondes, pour l’effet de surprise.
« - Il faut absolument que tu me racontes tout ce qu’il s’est passé dernièrement. Et moi je t’expliquerai pourquoi je viens d’emménager à Londres. J’espère que tu as entendu parler de Lady Whiskers. Je serai très déçue sinon »Son dernier larcin dans un musée avait fait parler d’elle dans la gazette pour la simple et bonne raison qu’elle avait laissé un mot sur les lieux avec un dessin de moustache de chat. Elle ne voulait pas seulement réussir là où son père avait échoué. Elle voulait forger sa légende. Et toute légende commençait en se forgeant une identité.
« - Et au fait, comment va Louis? »Malgré tout ce qu'il s'était passé entre eux, elle voulait tout de même savoir s'il allait bien.
- Chronologie:
1958 : Naissance de Lana
1965 : Mort de sa mère au cours d’un cambriolage.
1969-1973 : Scolarité à Koldovstoretz
1973-1975 : Séjour en France sous le pseudo Clémence Beauchamps, scolarité à Beauxbâtons
1975-1976 : Séjour en Grèce. Dernière année en enseignement à distance
1980 : Vols avec son père aux Etats-Unis
Mi-février 1982 : Arrivée à Londres, sans son père. Se fait connaître sous le pseudonyme Clémence Michaux.